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Psychanalyse et Psychothérapie

Cabinet et téléconsultations

Pascale Raoux

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La mémoire du corps en psychanalyse : quand le langage ne suffit plus


Dans les consultations, les mots sont au cœur du travail psychanalytique. Mais que se passe-t-il lorsque le corps semble parler à la place du patient ? Douleurs inexpliquées, tensions chroniques, troubles somatiques... Autant de manifestations qui semblent dire quelque chose là où le langage échoue.

Et si le corps était le théâtre d’une mémoire inconsciente ? Cet article explore le concept de « mémoire du corps » à la lumière de la psychanalyse, entre trauma, symbolisation et somatisation.


Freud, dès les débuts de la psychanalyse, s’intéresse au lien entre les symptômes corporels et les conflits psychiques. Dans ses premiers travaux sur l’hystérie avec Breuer, il observe que certains symptômes physiques, apparemment dénués de cause médicale, peuvent être soulagés en retrouvant le souvenir traumatique enfoui.

« Là où le souvenir a été refoulé, le corps prend la parole »

La notion de conversion hystérique montre que le corps peut traduire un conflit psychique non élaboré. Mais au-delà de la conversion, la psychanalyse contemporaine s’intéresse de plus en plus à une forme plus diffuse de mémoire : celle qui s’ancre dans le corps, sans passer par la représentation verbale.


La mémoire traumatique : quand l’inscription psychique fait défaut

Un traumatisme psychique qui dépasse les capacités du sujet à symboliser peut rester "non digéré" par l’appareil psychique. Il ne s’inscrit pas dans la mémoire narrative, mais reste figé, encapsulé dans le corps.

Des auteurs comme Bessel van der Kolk ou Pierre Janet, bien que non psychanalystes, ont mis en lumière ce phénomène : le trauma n’est pas oublié — il est non élaboré, non verbalisable, et revient à travers le corps.

En psychanalyse, ces manifestations peuvent être comprises comme des "traces mnésiques" laissées à l’état brut, sans transformation symbolique. Elles s’expriment par des troubles psychosomatiques, des comportements répétitifs, ou des douleurs sans cause organique identifiable.

De la somatisation au langage : le rôle de la cure analytique

L’objectif de la psychanalyse n’est pas de "faire disparaître" le symptôme corporel comme on éteindrait un signal d’alarme, mais plutôt de l’écouter comme porteur de sens. Le symptôme corporel est un langage crypté, une tentative de l’inconscient de se dire autrement.

Au fil des séances, le travail analytique peut permettre de :

  • Donner un cadre symbolique aux sensations ou douleurs inexpliquées ;

  • Mettre en récit une histoire du corps, souvent fragmentée ou sans mots ;

  • Transformer la mémoire traumatique en mémoire narrative.

Parfois, c’est en retrouvant un mot, une image, une association, que le patient parvient à réinscrire dans le psychisme ce qui était jusque-là logé dans le corps.

Corps et transfert : ce que le corps dit dans la relation thérapeutique

Le corps du patient n’est pas un objet neutre dans la cure. Il est aussi un acteur du transfert. Certains patients somatisent dans la relation au thérapeute, ou ressentent physiquement des émotions qu’ils ne peuvent encore nommer.

De même, le contre-transfert corporel du psychanalyste — les sensations corporelles qu’il éprouve en séance — peut être un indice précieux pour comprendre ce qui se joue inconsciemment.

Dans cette perspective, le corps devient un espace de médiation, un terrain de jeu entre conscient et inconscient, entre soi et l’autre, entre passé et présent.

Vers une psychanalyse "incarnée"

De plus en plus de cliniciens plaident pour une psychanalyse qui prend en compte l’expérience corporelle, sans tomber dans la réduction biologique. Une approche qui ne nie pas le langage, mais reconnaît que le corps parle aussi, à sa manière.

Cette posture implique :

  • D’écouter ce qui se rejoue dans et par le corps ;

  • D’intégrer des approches plurielles (psychosomatique, psychotraumatique, travail sur les affects primaires) ;

  • De respecter le rythme du sujet, là où le corps parle parfois avant que la parole ne puisse émerger.


La mémoire du corps n’est pas un concept flou ou ésotérique. C’est une réalité clinique, quotidienne, pour de nombreux patients. Elle nous rappelle que le psychisme ne se réduit pas au langage, même s’il en a besoin pour se déployer.

Dans un monde où tout va très vite, où la parole est souvent standardisée, la psychanalyse permet un temps d’écoute rare : celui où l’on prend le corps au sérieux, non comme un problème à résoudre, mais comme un message à entendre.

 
 
 

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