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Pascale Raoux

Membre de la Société Française de Psychanalyse Appliquée​​

Psychanalyse et Psychothérapie​

Cabinet et téléconsultations

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L'image de soi à l'écran : que révèle la téléconsultation ?

Dans le cadre d’une séance en ligne, chacun se retrouve face à son propre reflet. Entre regard, écoute et transfert, que se joue-t-il quand la psychanalyse passe par l’écran ?


Voir et être vu : un nouveau miroir

La téléconsultation, devenue familière depuis quelques années, modifie subtilement notre rapport à nous-mêmes. Sur l’écran, le visage de l’autre apparaît, mais aussi le nôtre. Même si l’attention se porte sur la parole, la présence de notre image, souvent en miniature dans un coin de la fenêtre, n’est pas sans effet.Nous devenons spectateurs de notre propre visage en train de parler.

Ce dispositif réactive une expérience fondamentale : celle du stade du miroir, décrite par Jacques Lacan. Dans ce moment fondateur du développement psychique, l’enfant découvre son image comme un tout cohérent, une forme qui lui renvoie un « moi ». La téléconsultation, d’une certaine manière, réveille ce jeu d’identification : nous nous voyons « en train de nous voir », et cela modifie la manière dont nous parlons.


Quand la caméra devient une surface projective

L’image à l’écran agit comme un tiers silencieux dans la séance. Elle devient parfois une surface projective : le sujet peut y déposer quelque chose de lui-même, de son idéal, de sa honte ou de son inquiétude.Certains se surprennent à surveiller leurs expressions, d’autres à détourner le regard, à « oublier » la caméra, ou à s’y accrocher comme à une présence rassurante.

Ce rapport à l’image de soi n’est pas anodin : il touche à la question du regard de l’Autre, au cœur de la psychanalyse.Dans le cabinet, le regard de l’analyste se fait discret. À l’écran, il devient plus explicite : le visage est là, encadré, exposé. La téléconsultation introduit donc une nouvelle manière d’habiter le transfert : entre l’intimité et la mise en scène, entre spontanéité et auto-observation.


Un transfert réinventé

Le transfert, cette dynamique où se rejouent, dans la relation analytique, des liens et affects inconscients, trouve aussi une nouvelle forme en ligne.L’écran agit comme un filtre : il protège, mais il intensifie parfois.Certains analysants se sentent plus libres, libérés du face-à-face réel ; d’autres, au contraire, perçoivent la distance numérique comme un vide ou une absence de chaleur.

Dans tous les cas, le dispositif reconfigure la manière dont l’inconscient se met à parler.Le transfert s’y déplace : il peut s’attacher à la voix, à l’image, à la connexion elle-même — « vous m’entendez ? », « l’image est figée » deviennent parfois des échos de la difficulté à se sentir entendu.


Entre contrôle et lâcher-prise

L’écran donne une illusion de maîtrise : on peut vérifier sa connexion, son cadre, son visage.Mais cette maîtrise apparente renforce souvent la tension entre le moi qui veut contrôler et l’inconscient qui résiste à se laisser voir.Une mèche de cheveux qui tombe, un regard fuyant, un micro qui sature : ces détails anodins deviennent des points où quelque chose échappe, où le réel se glisse.

La téléconsultation met donc en lumière une contradiction : vouloir se montrer sans se trahir, parler sans être trop vu, s’adresser à l’autre tout en gardant une distance protectrice.Ce paradoxe n’est pas un obstacle, mais un matériau précieux pour le travail analytique.


L’image absente du cadre

Curieusement, certains choisissent de couper leur caméra pendant la séance.Ce geste, loin d’être un simple choix technique, peut traduire quelque chose du rapport à soi et à l’autre : se retirer du regard, refuser le miroir, préserver un espace plus intime pour la parole, signaler un symptôme. L’absence d’image devient alors signifiante : elle ouvre un espace où le sujet peut se dire autrement, sans se voir.


Une nouvelle scène psychique

L’écran n’est ni un simple outil ni un intrus. Il crée une nouvelle scène psychique, où l’image, la parole et la technique se mêlent.Le travail analytique, lui, reste le même : écouter ce qui se déplace, ce qui se répète, ce qui résiste.Mais le dispositif numérique ajoute une dimension supplémentaire, celle du regard sur soi en acte.

La psychanalyse en ligne n’abolit pas le transfert : elle le transforme. Elle le déplace sur d’autres supports — image, son, connexion — et invite chacun à interroger ce qu’il projette dans cet espace de médiation.


L'écran comme miroir contemporain

Si l’écran agit comme un miroir, il n’est pas seulement surface de réflexion : il devient lieu de passage, d’écho et de déplacement.Dans la téléconsultation, chacun apprend à se voir autrement, parfois à se perdre un peu dans l’image, parfois à s’y retrouver.

L’enjeu n’est pas de se libérer de l’écran, mais d’y reconnaître ce qu’il révèle : le travail de l’inconscient, toujours en mouvement, qui continue à se dire, même, et peut-être surtout, à travers la lumière d’un visage pixelisé.

 
 
 

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